La Spirale Dynamique Intégrale (partie 4)
Article publié dans le numéro 14 du magazine Lavida
La Spirale Dynamique Intégrale (partie 4)
Bonjour Guillaume, nous continuons dans le présent numéro à découvrir ensemble le modèle de la Spirale Dynamique1, 2, qui, rappelons-le, sert à comprendre « comment les hommes s’organisent et pourquoi ils changent ». Vous nous avez décrit sa genèse (Lavida 113) et les différents stades de conscience par lesquels passent les individus et les civilisations/organisations au cours de leur évolution (Lavida 123) et combien ils présentent des analogies. Dans le numéro précédent (Lavida 133), vous avez décrit certaines lois permettant de comprendre comment s’opère les passages d’un niveau de conscience à l’autre. Quelle est la suite du programme ?
Bonjour Christine, nous allons finaliser cette présentation de la Spirale Dynamique en nous intéressant aux conditions nécessaires au passage d’un niveau d’existence à l’autre, ce que l’on appelle dans le jargon de la Spirale Dynamique, « le changement vertical ».
Pour faire le lien avec nos entretiens précédents et permettre aux nouveaux lecteurs de prendre le fil, rappelons que nous avons décrit trois niveaux de valeurs guidant la vie d’un individu : Les valeurs de surface, (celles dans lesquelles une personne souhaite être reconnue), les valeurs cachées (celles qui sont conscientes mais qui ne sont pas manifestées) et enfin les valeurs profondes, qui sont inconscientes. Les deux premières ont à voir avec le contenu de ce que la personne pense, le « ce que je pense », alors que les valeurs profondes ont à voir avec le « comment je pense ». Nous avons également décrit certaines des lois qui se cachent derrière les processus par lesquels les individus et les civilisations changent au fil des crises et comment leurs systèmes de valeurs évoluent conjointement au travers de l’émergence de nouveaux modes de conscience.
Qu’est ce que donc que le « changement vertical » ? La Spirale Dynamique distingue plusieurs formes de changements dont les deux principales sont le changement horizontal et le changement vertical. Dans le 1er cas, le changement ne modifie pas la façon de penser, le « comment je pense », même s’il peut amener des modifications considérables dans la vie de la personne qui le vit. La façon de voir le monde et la vie reste la même. Les valeurs de surface peuvent changer, et même les valeurs cachées, mais les valeurs profondes restent les mêmes. En revanche, le changement vertical remet en question toutes les croyances sur la vie, les personnes et le monde. Il implique une transformation importante des comportements, des émotions, des pensées et des valeurs à travers lesquelles la personne considère le monde et sa relation aux autres. C’est toujours une étape difficile, le plus souvent une crise majeure, un deuil.
Il est essentiel (encore plus à l’époque actuelle !) de comprendre les processus qui se déroulent dans de telles crises. En effet, elles concernent tout le monde, des individus jusqu’aux civilisations ! C’est encore plus le cas pour ceux qui éduquent des enfants, accompagnent des personnes en thérapie ou en coaching, gèrent des humains dans des organisations…. Il est nécessaire pour eux de connaitre les lois gouvernant ces processus de crise et les meilleures voies dans la façon de les accompagner.
Un intérêt majeur du modèle de la Spirale Dynamique est qu’il décrit ces processus et met en évidence les questions importantes à se poser en de telles situations de changements possibles ou inévitables :
Le changement est il opportun ? : Quand cela n’est pas obligatoire, le bouleversement que représente un changement vertical ne doit être entrepris qu’à bon escient. Il s’agit de s’interroger sur sa nécessité dans le respect du modèle du monde de chacun, de lui donner l’ampleur nécessaire et de respecter les étapes (on ne peut pas sauter des niveaux) et leur rythme d’intégration.
D’autre part, souvent, l’on veut faire changer l’autre en fonction de notre vision, sans comprendre son rythme ni son propre abord des choses, plaquant ainsi sur lui notre « carte du monde » subjective. Or, comme disait le professeur Graves (à l’origine du modèle de la Spirale Dynamique) : « les gens ont le droit d’être ce qu’ils sont, nom de Dieu ! ». Il convient donc de respecter les personnes et leur rythme.
Le changement vertical est réellement nécessaire quand il existe une inadéquation entre le niveau de conscience avec lequel la personne perçoit le monde et ses conditions d’existence (exemple: il est nécessaire qu’un enfant soit sevré avant qu’il rentre à l’école). Il peut aussi être nécessaire quand la façon de voir d’un groupe humain lui cause une souffrance qui parait excessive (exemple : interdiction de l’école aux filles en Afghanistan sous le régime Taliban) ou que sa vision du monde cause des dégâts à l’extérieur de celui-ci (exemple : les génocides tribaux en Afrique). Mais cela pose alors un problème de philosophie morale pour distinguer un droit d’ingérence légitime d’un inacceptable impérialisme culturel. Cela est particulièrement criant dans l’époque actuelle, qu’il s’agisse des questions de laïcité dans notre pays ou des questions internationales sous leurs multiples aspects.
Enfin, les changements de conscience obéissent à des rythmes qu’il est presque impossible de comprimer. En effet, le changement vertical est si considérable qu’il est souvent relativement lent, sauf exceptions dues à un accompagnement efficace ou si la pression des conditions de vie crée une urgence. La « crise d’adolescence » par exemple peut ne durer que 2-3 ans chez une personne, plusieurs années chez d’autres. Quand il s’agit d’un pays, il faut parfois plusieurs générations.
Les préalables au changement sont t’ils réunis ? : Le changement vertical n’est possible que s’il y à une sorte de lâcher-prise vis-à-vis de la façon antérieure de voir le monde. Sans la reconnaissance de la nécessité du changement et la prise de conscience que le monde et la vie ne sont pas forcément tels qu’on les considère, il est impossible. Trois situations peuvent se présenter: La personne peu rester dans l’attitude coincée qui consiste à ne voir aucune valeur dans les autres façons de voir le monde, elle peut être dans l’attitude arrêtée dans laquelle les stades précédents sont reconnus mais en refusant les suivants et enfin, l’attitude ouverte qui reconnaît l’existence des niveaux précédents et se rend disponible aux suivants. Seule cette dernière permet l’évolution.
Les six conditions nécessaires au changement vertical sont t’elles remplies ? :
- La personne a-t-elle les capacités cérébrales correspondantes ? Les gènes et le développement dans l’enfance sont des facteurs pouvant limiter la capacité au changement vertical.
- A-t-elle réglé les problèmes importants de son existence actuelle ? Se lancer dans l’inconnu implique du courage et de l’énergie. Aussi, les problèmes solubles au niveau actuel doivent être réglés avant qu’une personne accepte d’envisager l’évolution vers le niveau suivant. Mais parfois, maintenir des problèmes est un mécanisme de défense pour éviter la confrontation au changement vertical…
- Sent-elle la nécessité du changement ? On ne change pas une équipe qui gagne. Les changements s’opèrent rarement sans que des dissonances soient apparues. Le plus souvent, c’est la transformation des conditions de vies qui les provoque. Mais elle peuvent être introduite par un accompagnant, parent, coach, thérapeute, manager, pour susciter le désir d’un changement qu’il perçoit nécessaire.
- A-t-elle une compréhension de l’objectif à atteindre ? Il faut pour cela avoir clairement identifié les limitations de l’ancien niveau d’existence en nous, analyser et comprendre pourquoi il a échoué et en quoi les conditions de vie ont évolué, et enfin, trouver une solution alternative. C’est bien entendu ce qu’il faut faire pour tout changement, mais là, il s’agit de totalement sortir de son mode de pensée habituel et la tache est autrement difficile.
- Est t’elle consciente des obstacles qu’elle est susceptible de rencontrer ? Ils peuvent être extérieurs ou intérieurs (peurs, croyances…). La tentation est grande de se focaliser sur les premiers alors que les seconds sont souvent ceux qui empêchent le plus l’évolution.
- A-t-elle l’assistance nécessaire au changement et à la consolidation ? Une assistance pendant la phase de changement et juste après rend la transition entre les deux niveaux d’existence plus courte et plus confortable et permet une consolidation du changement.
Enfin, le parent, le thérapeute ou l’accompagnant au sens large est t’il bien conscient des 5 étapes que l’on retrouve toujours dans les processus de changement humain ? : En partant d’un niveau d’existence qui semble approprié (α1), le changement vertical s’amorce par une prise de conscience que l’ancien mode de rapport au monde et aux autres ne peut plus régler les problèmes rencontrés (β). Souvent, la personne tente d’abord de réessayer des niveaux d’existence antérieurs (γ), puis se déplace vers le niveau suivant (δ) et stabilise enfin cette étape (α2).
Le changement n’est pas forcément linéaire et des allers retours entre les étapes sont possibles. Il peut aussi ne pas aboutir si les conditions préalables au changement décrites précédemment n’ont pas été remplies.
L’on peut se demander en ces temps agités où l’Humanité en est de son propre processus d’évolution et si elle se pose les bonnes questions. Puisse la Spirale Dynamique l’inspirer dans cette voie.
Oui, les changements de milieux n’attendront pas nos changements verticaux. Bon été Christine ainsi qu’à tous nos lecteurs.
Bon été Guillaume et au plaisir de se retrouver à la rentrée pour un nouveau thème
BOUCLE 1 SURVIE |
1 | BEIGE | AN |
2 | VIOLET | BO | |
3 | ROUGE | CP | |
4 | BLEU | DQ | |
5 | ORANGE | ER | |
6 | VERT | FS | |
BOUCLE 2
EXISTENCE |
7 | JAUNE | A’N’ (GT) |
8 | TURQUOISE | B’O’ (HU) |
Les huit niveaux de valeurs connus à ce jour
1 : « Spiral Dynamics» Don Beck et Chris Cowan. Blackwell Publishing
2 : « La Spirale Dynamique» Fabien et Patricia Chabreuil. Intereditions
3 : http://lavida-magazine.com/et https://metaphorm.fr/blog/