{"id":319,"date":"2011-12-05T13:29:18","date_gmt":"2011-12-05T12:29:18","guid":{"rendered":"https:\/\/metaphorm.fr\/?p=319"},"modified":"2022-08-18T19:36:58","modified_gmt":"2022-08-18T17:36:58","slug":"les-mesures-dausterite-supercherie-olivier-bussy","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/metaphorm.fr\/les-mesures-dausterite-supercherie-olivier-bussy\/","title":{"rendered":"\u201cLes mesures d’aust\u00e9rit\u00e9 sont une supercherie\u201d par Olivier le Bussy"},"content":{"rendered":"

\"bussy\"Pour le politologue Eric Toussaint, les actuelles politiques conduites en Europe pour \u00e9ponger les dettes publiques servent d\u2019abord les int\u00e9r\u00eats des cr\u00e9anciers priv\u00e9s. Et bafouent les droits sociaux et \u00e9conomiques des citoyens.<\/strong><\/p>\n

Docteur en sciences politiques des Universit\u00e9 de Li\u00e8ge et de Paris VIII et pr\u00e9sident de la branche belge du Comit\u00e9 pour l\u2019annulation de la dette du tiers-monde (CADTM), Eric Toussaint a co\u00e9crit et codirig\u00e9 (avec le Fran\u00e7ais Damien Millet) un ouvrage intitul\u00e9 \u201cLa dette ou la vie\u201d. A l\u2019aune de l\u2019exp\u00e9rience de la probl\u00e9matique de la dette des pays du Sud, les auteurs livrent une analyse critique de politiques mises en \u0153uvre au Nord, notamment dans la zone euro.<\/p>\n

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Selon vous, telle qu’elle a \u00e9t\u00e9 con\u00e7ue, la zone euro \u00e9tait condamn\u00e9e \u00e0 conna\u00eetre une telle crise\u2026<\/strong><\/p>\n

Le drachme, la peseta, l\u2019escudo ont \u00e9t\u00e9 sur\u00e9valu\u00e9s par rapport aux autres monnaies, et notamment au deutsche mark, lors de la conversion en euro. Ce qui a donn\u00e9 un avantage comp\u00e9titif aux pays comme l\u2019Allemagne, les Pays-Bas, la France, la Belgique,\u2026 par rapport aux pays de la p\u00e9riph\u00e9rie. De plus, il n\u2019y a pas de m\u00e9canismes de compensations importantes pour r\u00e9duire les asym\u00e9tries entre les \u00e9conomies europ\u00e9ennes. Enfin, les banques nationales des pays de l\u2019UE et la Banque centrale europ\u00e9enne (BCE) ne peuvent pas accorder de cr\u00e9dits directement aux Etats (comme peut le faire la R\u00e9serve f\u00e9d\u00e9rale aux Etats-Unis, NdlR), ce qui laisse ce monopole aux banques priv\u00e9es.<\/p>\n

On en est arriv\u00e9 \u00e0 une situation o\u00f9 la BCE a pr\u00eat\u00e9 \u00e0 un taux de 1 %, jusqu\u2019avril 2011, aux banques priv\u00e9es. Qui, elles, pr\u00eataient \u00e0 la Gr\u00e8ce, au Portugal et \u00e0 l\u2019Irlande \u00e0 du 4 ou 5 % pour des obligations \u00e0 six mois ou \u00e0 un an. Ce fonctionnement a abouti \u00e0 des d\u00e9rives terribles. La BCE pr\u00eate \u00e0 court terme \u00e0 des institutions priv\u00e9es, qui \u00e0 leur tour pr\u00eatent \u00e0 long terme sur le march\u00e9 obligataire et se retrouvent confront\u00e9es, t\u00f4t ou tard, \u00e0 des probl\u00e8mes de liquidit\u00e9s. Ce qui am\u00e8ne, par exemple, \u00e0 un deuxi\u00e8me sauvetage de Dexia par les Etats belges et fran\u00e7ais.<\/p>\n

Vous estimez que la Gr\u00e8ce serait en droit de remettre en cause le remboursement d\u2019une partie de sa dette souveraine…<\/strong><\/p>\n

En commen\u00e7ant \u00e0 rebours, on pourrait dire que les pr\u00eats de la tro\u00efka (Commission europ\u00e9enne, BCE, Fonds mon\u00e9taire international) \u00e0 la Gr\u00e8ce sont des pr\u00eats odieux parce que ces institutions, avec derri\u00e8re elles les gouvernements allemand et fran\u00e7ais, profitent d\u2019une situation de d\u00e9tresse de la Gr\u00e8ce \u2013qui depuis mai 2010 n\u2019a plus acc\u00e8s \u00e0 des emprunts d\u00e9passant un an \u2013pour pr\u00eater \u00e0 Ath\u00e8nes \u00e0 du 5,5%. En contrepartie, ils exigent de la Gr\u00e8ce qu\u2019elle mette en \u0153uvre une batterie de mesures d\u2019aust\u00e9rit\u00e9. Mesures qui dans certains cas sont des violation des droits \u00e9conomiques et sociaux reconnus par l\u2019Organisation international e du travail, par exemple. Et, de plus, ces mesures ont un effet contraire \u00e0 l\u2019objectif officiel recherch\u00e9, c\u2019est-\u00e0-dire une am\u00e9lioration de la situation \u00e9conomique rendant soutenable le paiement de la dette. Or, on constate que cela cr\u00e9e une r\u00e9cession qui r\u00e9duit les recettes fiscales et conduit \u00e0 de nouvelles mesures d\u2019aust\u00e9rit\u00e9. Lesquelles ne permettront de toute fa\u00e7on pas \u00e0 la Gr\u00e8ce de d\u00e9gager dans son budget des marges suffisantes pour rembourser des montants grev\u00e9s de taux d\u2019int\u00e9r\u00eats trop \u00e9lev\u00e9s.<\/p>\n

Avant cela, on a eu toute une s\u00e9rie d\u2019institutions financi\u00e8res fran\u00e7aises, allemandes, belges, qui au d\u00e9but de la crise financi\u00e8re se finan\u00e7aient \u00e0 des taux de 0,25% aupr\u00e8s de la Fed ou de 1% aupr\u00e8s la BCE puis qui pr\u00eataient tr\u00e8s massivement \u00e0 la Gr\u00e8ce – on constate une augmentation de 80 \u00e0 120 milliards d’emprunts, soit 50% en pleine p\u00e9riode de crise. L\u00e0, il y a des marques d\u2019ill\u00e9gitimit\u00e9s parce que les fonds qui \u00e9taient pr\u00eat\u00e9s aux banques ne devaient pas servir \u00e0 cela mais \u00e0 \u00e9viter un credit crunch, que ces banques n\u2019ont pas respect\u00e9 les r\u00e8gle de prudence en mati\u00e8re de solvabilit\u00e9 des emprunteurs et pire les ont encourag\u00e9s \u00e0 se surendetter.<\/p>\n

Et si on retourne encore plus loin, on rappellera que les JO devait co\u00fbter \u00e0 la Gr\u00e8ce 1,4 milliard et en ont co\u00fbt\u00e9 pr\u00e8s de 20. Or, il y a des entreprises \u00e9trang\u00e8res, comme Siemens \u2013qui font l\u2019objet de poursuites judiciaires \u2013qui ont vers\u00e9 des pots-de-vin \u00e9normes aux autorit\u00e9s politiques de l’\u00e9poque. Enfin, il y a les d\u00e9penses militaires \u00e9normes de la Gr\u00e8ce, qui repr\u00e9sentent 4% du PIB. Les Am\u00e9ricains, les Allemands et les Fran\u00e7ais sont les principaux fournisseurs militaires, et dans un premier temps, on a seulement demand\u00e9 \u00e0 la Gr\u00e8ce de couper dans les d\u00e9penses sociales, parce qu\u2019il fallait qu\u2019elle honore les commandes militaires \u00e0 Berlin et \u00e0 Paris. C’\u00e9tait tellement scandaleux que les choses sont en train de changer.<\/p>\n

Les actuelles politiques d\u2019aust\u00e9rit\u00e9 sont justifi\u00e9es par la n\u00e9cessit\u00e9 de pr\u00e9server notre mod\u00e8le social. Ce que vous contestez\u2026<\/strong><\/p>\n

Ceux qui sont privil\u00e9gi\u00e9s, ce sont les cr\u00e9anciers priv\u00e9s qui sont partie du probl\u00e8me. Le second objectif c\u2019est de pousser plus loin l\u2019offensive n\u00e9olib\u00e9rale lanc\u00e9e il y a 30 ans par (le pr\u00e9sident am\u00e9ricain Ronald) Reagan et (le Premier ministre britannique Margaret) Thatcher. On assiste \u00e0 un d\u00e9tricotage de ce qui caract\u00e9risait les \u201c30 glorieuses\u201d qui ont suivi la Seconde guerre mondiale: augmentation des salaires, du bien-\u00eatre, quasi-plein-emploi\u2026 De 1980 \u00e0 2010, on a d\u00e9tricot\u00e9 le pacte social, caract\u00e9ris\u00e9 par des politiques keyn\u00e9siennes, qui ont \u00e9t\u00e9 remplac\u00e9es par le n\u00e9olib\u00e9ralisme qui le remet en cause et d\u00e9r\u00e9glemente la l\u00e9gislation bancaire et financi\u00e8re, avec les d\u00e9rives que l\u2019on conna\u00eet. C\u2019est une supercherie de dire que ces mesures visent \u00e0 consolider le mod\u00e8le social europ\u00e9en.<\/p>\n

En faisant appel au FMI, les Europ\u00e9ens ont introduit le loup dans la bergerie, peut-on lire dans votre ouvrage…<\/strong><\/p>\n

Le FMI, c\u2019est quelque part une sorte d\u2019alibi pour les dirigeants europ\u00e9ens, qui leur permet de justifier les politiques d’aust\u00e9rit\u00e9 en disant \u201cVous voyez, il n’y a pas que nous. Une institution internationale, bas\u00e9e \u00e0 Washington, neutre le dit aussi\u201d. Mais pendant 30 ans, le FMI a dict\u00e9 les politiques qui sont aujourd\u2019hui \u00e0 l\u2019\u0153uvre chez nous en Am\u00e9rique latine, en Afrique et en Asie, avec des r\u00e9sultats tout \u00e0 fait n\u00e9gatifs. Si l\u2019Am\u00e9rique latine va mieux depuis une dizaine d\u2019ann\u00e9es, c\u2019est parce qu\u2019apr\u00e8s 20 ans, les \u00e9lecteurs ont dit : \u201cOn n’en veut plus\u201d. Les gouvernements ont rembours\u00e9 anticipativement le FMI et on rompu avec les recettes qu\u2019ils nous appliquent. Les \u00e9conomistes et les dirigeants latino-am\u00e9ricains ne cachent pas leur \u00e9tonnement de nous voir appliquer des formules qui ont \u00e9chou\u00e9 ailleurs.<\/p>\n

Parce qu\u2019il est le premier poste budg\u00e9taire de nombreux Etats, le remboursement de la dette peut aller \u00e0 l\u2019encontre des droits humains, \u00e9crivez-vous\u2026<\/strong><\/p>\n

Je sugg\u00e8re que la part qui va au service de la dette publique dans le budget ne d\u00e9passe pas 5 % des recettes. On pourrait mettre une autre r\u00e8gle d\u2019or : les d\u00e9penses qui vont \u00e0 la garantie de droits \u00e9conomiques et sociaux, donc de droits humains, ne peuvent pas \u00eatre comprim\u00e9es. On dit: priorit\u00e9 aux cr\u00e9anciers, dont le comportement est d\u00e9lictueux dans une s\u00e9rie de cas. Pour correspondre \u00e0 l\u2019esprit de la charte des Nations unies de 1948, il faudrait inverser les valeurs: les Etats ont une dette sociale \u00e0 l\u2019\u00e9gard de leurs citoyens. Ce sont eux qui ont donn\u00e9 un mandat aux dirigeants politiques. Pas les banques, ni les fonds de pension, ni les march\u00e9s financiers.<\/p>\n

Le politique a perdu la main?<\/strong><\/p>\n

C\u2019est tr\u00e8s inqui\u00e9tant. Dans cette crise, on marginalise le choix des \u00e9lecteurs. En Irlande, o\u00f9 le nouveau gouvernement doit appliquer le plan n\u00e9goci\u00e9 par le pr\u00e9c\u00e9dent, d’une autre couleur politique. Mais aussi en Gr\u00e8ce o\u00f9 \u00e0 l\u2019origine, le Pasok (socialiste, au pouvoir) voulait rompre avec la politique de la Nouvelle D\u00e9mocratie (droite). Le pouvoir l\u00e9gislatif est mis entre parenth\u00e8ses. Le Parlement portugais provoque en mars la d\u00e9mission du gouvernement de Jos\u00e9 Socrates mais cet ex\u00e9cutif d\u00e9missionnaire conclut quand m\u00eame un accord avec la tro\u00efka sur un plan d\u2019aust\u00e9rit\u00e9 dont le Parlement ne voulait pas. On pourrait aussi parler de la Belgique qui rach\u00e8te Dexia pour 4 milliards. Les actionnaires sont satisfaits, mais on n\u2019a pas demand\u00e9 l\u2019avis des parlementaires ni des citoyens belges.<\/p>\n

Vous proposez des alternatives, mais on peut douter qu\u2019elles trouvent un \u00e9cho chez les actuels dirigeants politiques\u2026<\/p>\n

Le changement viendra de la prise de consciences des citoyens qui demanderont une rupture radicale avec le syst\u00e8me. Le signal que \u00e7a commence ce sont les centaines de milliers d\u2019Indign\u00e9s espagnols, dont le mouvement a essaim\u00e9 en Gr\u00e8ce, au Portugal, en Italie et \u00e0 Bruxelles. plus enclins \u00e0 se dire que \u00e7a ne marche pas et qu\u2019il faut un changement, ce sont les jeunes europ\u00e9ens. C\u2019est important que les autres g\u00e9n\u00e9rations rompent aussi avec la r\u00e9signation. Comme l’on fait les citoyens islandais en refusant de payer pour la faillite de la banque Icesave (et que leur gouvernement rembourse le Royaume-Uni et les Pays-Bas, qui avaient garanti les d\u00e9p\u00f4ts de leurs ressortissants chez Icesave, NdlR).<\/p>\n

\u00c7a a pris 20 ans aux citoyens d\u2019Am\u00e9rique latine de pousser \u00e0 une rupture, j\u2019esp\u00e8re que ce sera moins long pour les Europ\u00e9ens.<\/p>\n

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Pour le politologue Eric Toussaint, les actuelles politiques conduites en Europe pour \u00e9ponger les dettes publiques servent d\u2019abord les int\u00e9r\u00eats des cr\u00e9anciers priv\u00e9s. Et bafouent les droits sociaux et \u00e9conomiques des citoyens. Docteur en sciences politiques des Universit\u00e9 de Li\u00e8ge et de Paris VIII et pr\u00e9sident de la branche belge du Comit\u00e9 pour l\u2019annulation de la dette du tiers-monde (CADTM), Eric Toussaint a co\u00e9crit et codirig\u00e9 (avec le Fran\u00e7ais Damien Millet) un ouvrage intitul\u00e9 \u201cLa dette ou la vie\u201d. A l\u2019aune de l\u2019exp\u00e9rience de la probl\u00e9matique de la dette des pays du Sud, les auteurs livrent une analyse critique de...<\/p>\n","protected":false},"author":2,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"om_disable_all_campaigns":false,"_monsterinsights_skip_tracking":false,"_monsterinsights_sitenote_active":false,"_monsterinsights_sitenote_note":"","_monsterinsights_sitenote_category":0,"footnotes":""},"categories":[1],"tags":[],"post_folder":[],"class_list":["post-319","post","type-post","status-publish","format-standard","hentry","category-blog"],"aioseo_notices":[],"aioseo_head":"\n\t\t\n\t\n\t\n\t\n\t\n\t\n\t\n\t\t\n\t\t\n\t\t\n\t\t\n\t\t\n\t\t\n\t\t\n\t\t\n\t\t\n\t\t\n\t\t\n\t\t\n\t\t\n\t\t\n\t\t